Bonjour Julie, pouvez-vous nous parler de vous et de votre entreprise Wafhi.com ?
Je suis Julie Biron, consultante et formatrice en stratégie RSE, avec plus de 15 ans d’expérience dans l’accompagnement de projets à impact en Afrique et en Europe.
J’ai travaillé dans des contextes très opérationnels – développement de filières durables, gestion de projets environnementaux, structuration de partenariats public-privé.
En 2023, j'ai co fondé avec Arlande Joerger, Wafhi.com, une plateforme qui accompagne les entreprises dans leur démarche RSE. Wafhi signifie We Act For High Impact. Notre ambition est de faire émerger les dynamiques locales, Outiller les entreprises avec des solutions accessibles et accompagner les acteurs du changement.
Aujourd’hui, Wafhi c’est un écosystème vivant :
✔️ Une plateforme digitale RSE,
✔️ Un Think Tank, laboratoire d'idées avec des présentants de 15 pays d'Afrique Francophone et un réseau d'experts
✔️ Des masterclass et Formations
✔️Un parcours d'accompagnement dédié aux entreprises africaines
Notre approche est hybride, collective, et toujours tournée vers le terrain.
Aujourd'hui, je forme aussi des étudiants aux enjeux de durabilité.
Comment expliquez-vous l'importance de la RSE et de la gestion des déchets en entreprise à ceux qui ne sont pas familiers avec ces concepts ?
Quand on parle de RSE, on parle tout simplement de la manière dont une entreprise agit avec conscience :
– vis-à-vis de son environnement,
– de ses collaborateurs,
– de son territoire,
– et de ses parties prenantes.
C’est un moyen de construire un business plus cohérent, plus respectueux et plus durable.
Prenons la gestion des déchets :
Beaucoup pensent que c’est un sujet technique ou annexe. En réalité, c’est un révélateur de posture. Une entreprise qui trie, valorise ou réduit ses déchets montre qu’elle est capable de penser ses impacts et de prendre sa part dans la chaîne de responsabilité. Une gestion efficace des déchets préserve l'environnement et contribue au changement des comportements. Avec des pratiques plus durables et responsables de collecte et de traitement des déchets, les entreprises disposent d’un levier pour mieux maîtriser ses coûts.
En Afrique particulièrement, la question des déchets est sociale, environnementale, et économique. Il existe de nombreuses solutions locales, portées par des entrepreneurs innovants. C’est aussi ça la RSE : créer des synergies locales utiles à tous.
En tant que co-fondatrice ayant plus de dix ans d'expérience en management responsable, comment avez-vous vu évoluer l'adoption de politiques liées à la RSE et à la gestion des déchets en entreprise récemment ?
Ce que j’observe, c’est une évolution claire : la RSE n’est plus un sujet périphérique, ni un discours volontaire. C’est devenu un levier stratégique et une exigence règlementaire — mais à des rythmes et réalités très différentes entre l’Europe et l’Afrique.
En Europe
L’évolution a été marquée par une montée en puissance des cadres réglementaires contraignants, comme :
- La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la loi Omnibus
- Le Green Deal européen,
- La taxonomie verte,
Les obligations de due diligence en matière de droits humains et environnementaux.
Les entreprises, sont de plus en plus tenues de rendre compte de leur impact environnemental, social et sociétal. Cela pousse à des actions concrètes sur l'environnement, le social et la gouvernance.
Ce cadre permet d'accélèrer la transformation, mais aussi demande un besoin de pédagogie pour que la conformité ne tue pas le sens. Il y a un risque de “RSE administrative”, déconnectée du terrain.
En Afrique l’évolution est très différente. Il n’y a pas encore de cadre règlementaire continental contraignant, même si certains pays (comme le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, l'Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire) commencent à intégrer des exigences environnementales ou fiscales liées à la RSE ou à la gestion des déchets.
Mais ce qui est frappant, c’est que l’innovation vient souvent du terrain, pas du droit. Des PME, des collectivités, des entrepreneurs développent des modèles d’économie circulaire, de tri, de valorisation, des modeles d'entreprises plus responsables… par nécessité, par conscience écologique ou par lien au territoire.
La RSE, en Afrique, est moins normative mais souvent plus organique, plus contextuelle. Ce qui manque, ce sont :
des référentiels accessibles,
des financements structurants,
et des ponts avec les attentes des donneurs d’ordre internationaux.
Pouvez-vous partager un cas concret où l'adoption de principes RSE a transformé positivement la gestion des déchets dans une entreprise que vous avez conseillée ?
. Je peux vous parler d’un projet qui me tient particulièrement à cœur : le programme “Une bâche, un cartable”.
L’idée est simple, mais puissante : récupérer des bâches publicitaires usagées, souvent considérées comme des déchets sans valeur par les entreprises, pour les transformer en cartables écoresponsables, à destination d’enfants issus de milieux précaires.
Nous avons initié ce projet avec plusieurs entreprises, en lien avec des acteurs de l’économie circulaire et des couturières locales.
Les entreprises partenaires nous fournissent leurs bâches usagées, au lieu de les jeter ou de les incinérer. Nous les valorisons localement, en formant ou en mobilisant des artisans pour en faire des objets utiles, durables et porteurs de sens.
Chaque cartable devient :
Un outil de dignité pour un enfant,
Un message de responsabilité pour l’entreprise,
Et un symbole d’économie circulaire africaine, ancrée dans le social.
Ce programme a eu plusieurs impacts :
Une réduction des déchets plastiques en zone urbaine,
Une revalorisation de l’artisanat local,
Et un changement de perception chez les entreprises sur ce qu’est un “déchet” : c’est souvent une ressource mal gérée.
Au-delà de l’impact environnemental, ce projet a une dimension profondément humaine. Il reconnecte les entreprises à leur responsabilité sociale, et montre que la RSE peut être créative, solidaire, et accessible, même avec peu de moyens.
Apres Nous avons engagé avec les entreprises un accompagnement qui a permis de relier la question des déchets à des enjeux plus larges : raison d'etre de l'entreprise, conformité environnementale, conditions de travail, relations avec la communauté locale.
Quelles sont, selon vous, les plus grandes barrières à l'implémentation efficace de la RSE et de la gestion des déchets dans les entreprises, et comment peut-on les surmonter ?
Les barrières à l’implémentation de la RSE et de la gestion des déchets sont nombreuses, mais elles ne sont pas les mêmes en Afrique et en Europe. Elles traduisent des contextes, des priorités et des niveaux de structuration différents.
En Europe, les freins sont souvent :
-Organisationnels : certaines entreprises voient encore la RSE comme un “centre de coût” ou un enjeu annexe confié à un service isolé.
- Réglementaires complexes : les exigences peuvent être lourdes et complexes à mettre en œuvre pour certaines entreprises
- De cohérence interne : entre la stratégie, les équipes terrain et les sous-traitants, il peut y avoir une difficulté à aligner la parole et les actes.
Dans ce cas, il est important de proposer Plus de formation, de pédagogie et d’outils de pilotage accessibles. Il faut aussi repositionner la RSE comme un levier de compétitivité (innovation, marque employeur, finance durable) et pas comme une charge réglementaire.
En Afrique, les freins sont d’une autre nature :
- Un manque de cadre normatif harmonisé : peu de lois contraignantes, peu d’incitations fiscales ou de standards reconnus.
-Des moyens financiers et humains limités.
-Une faible valorisation des solutions locales : il existe des innovations incroyables dans la gestion des déchets (recyclage, artisanat circulaire, valorisation communautaire), mais elles manquent de structuration ou de reconnaissance.
Et parfois une méconnaissance du concept même de RSE, vu comme un import ou un luxe réservé aux grandes entreprises.
Dans ce cadre Il est important de developper L’éducation et la sensibilisation,
valoriser les initiatives de terrain comme vecteurs de RSE, et renforcer les écosystèmes locaux (acteurs de l’économie circulaire, artisans, coopératives),
C'est ce que nous essayons de faire à travers Wafhi en favorisant le dialogue Afrique-Europe pour partager des outils, sans imposer des modèles copiés-collés. Notre mission est justement d’accompagner cette bascule, en rendant la RSE concrète, locale, stratégique, et inclusive.
Comment Wafhi.com intègre-t-il les principes de durabilité dans ses opérations et encourage-t-il ses partenaires à adopter des pratiques de gestion des déchets plus responsables ?
Pour nous la durabilité n’est pas un module à part : c’est une culture.
Avec Arlande Joerger, Nous avons fondé Wafhi pour faire émerger des pratiques RSE ancrées, utiles et accessibles, notamment sur des sujets aussi concrets et sensibles que la gestion des déchets.
Cela se traduit dans nos accompagnements avec des Diagnostics, des ateliers collaboratifs pour trouver des solutions locales, souvent peu connues mais efficaces pour les entreprises, faire des liens entre stratégie et terrain : intégrer la gestion des déchets dans une démarche globale de responsabilité, avec des indicateurs, des formations, ou des projets innovants pour transformer un déchet en ressources.
Notre philosophie : Faire simple, faire juste, faire ensemble.
Nous ne croyons pas à la durabilité théorique ou punitive. Nous croyons à la création de valeur partagée, à la visibilité des pratiques responsables, et à l’accompagnement bienveillant mais exigeant.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs qui souhaitent incorporer la RSE et une gestion efficace des déchets dès le début de leur aventure entrepreneuriale ?
Mon premier conseil serait celui-ci : n’attendez pas d’avoir “grandi” pour intégrer la RSE. Au contraire, c’est en structurant votre entreprise dès le départ autour de valeurs responsables que vous construirez un modèle plus durable, plus agile et plus crédible.
Intégrer la RSE dès le début, ce n’est pas un luxe, c’est un choix stratégique.
En particulier sur la gestion des déchets, les jeunes entreprises ont un avantage : elles peuvent concevoir leur activité avec peu d’inertie, en intégrant :
- des solutions d’économie circulaire,
- des boucles de réutilisation,
- des modèles frugaux et collaboratifs.
Nous croyons aux business models circulaires et responsables, fondés sur 3 piliers :
1.Penser cycle de vie dès la conception
2.Créer de la valeur partagée
3. Rendre visible son engagement
Et en Afrique, cela a encore plus de sens.
Parce que les ressources sont parfois rares, les systèmes de traitement limités, et les communautés très exposées aux externalités négatives.
Mais c’est aussi là que naissent les plus belles innovations !
Mon conseil : Faites simple, local, utile. Et entourez-vous
Pour plus d'informations : https://wafhi.com/