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INTERVIEW - Karin Boras, dirigeante chez Tartenpion

13 minutes
Interview
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Bonjour, pouvez-vous nous parler de vous ?

Pionnière de la RSE depuis 2002, c'est une passion de participer aux transitions et à la transformation de notre économie et société. 
 
Mes particularités de transmission
Rendre opérationnel : je me sers de mon expérience de la RSE dans de plusieurs dizaines d'entreprises, pour partager une opérationnalité simple et efficace, de la TPE-TPI à l'ETI.
Simplifier : ma transmission consiste à simplifier ce que le discours ambiant de la RSE a l'habitude de faire, compliquer tout. Je synthétise des idées complexes pour les rendre compréhensibles en un coup d'œil. 
Donner du sens : mon objectif est de donner envie de s'engager encore plus, de donner du sens à l'action, par la pédagogie et la maïeutique (l'art de se questionner de soi à soi, pour aller chercher ses propres motivations). 
 
Mon "petit colibris", "transmettre"
Coach RSE pour soutenir les acteurs dans les entreprises
Enseignante dans plusieurs universités, Ecoles de commerce, et autres établissements supérieurs pour préparer au monde de demain et pas au monde d'hier
Auteur de 45 livres sur la RSE notamment 2 livres de référence : 1 publié par l'AFNOR pour accompagner l'ISO 26000 en 2011; et 1 publié par Eyrolles à 7000 exemplaires qui est devenu la "bible" des 7 000 dirigeants
Et un livre "Maslow et le XXIème siècle" où j'ai complété la pyramide de Maslow pour l'adapter à notre société actuelle. Maslow en bas (me concerne moi et mes besoins individuels), l'actualisation au dessus (concerne mes envies : moi avec les autres pour agir collectivement dans un but d'intérêt général). C'est l'équilibre entre les deux qui me permet d'exister : m'occuper de moi et de l'intérêt général.
Conférencière 

Pouvez-vous nous parler de votre entreprise ?

Mon entreprise et ce n'est pas un gag, s'appelle Tartenpion.
Agir sur l'individu par du "Coaching RSE" : dans les entreprises, les dirigeants, Comex, cadres, ou collaborateurs ont besoin d'être soutenus individuellement dans les évolutions. Par des rendez vous réguliers, je les assiste par un soutien personnalisé en apportant des connaissances, des expériences réussies, une guidance, des idées de solutions, la mise en évidence de dangers non décelés, ou un soutien psychologique... 
Agir sur le collectif en partageant des connaissances et donner envie par 2 sites, libres et gratuits.
Mon objectif est d'être "pillée", car on réussira tous ensemble, ou on échouera tous ensemble les enjeux du XXIème siècle. 
Créateur d'une encyclopédie libre et gratuite sur l'opérationnel, avec les nouvelles questions que j'ai créées, à se poser dans l'opérationnel, depuis 2014 : www.pme-pmi-durables.com (onglet "se réinventer")
Editeur de livres uniquement sur la RSE et l'ESS dont les ebooks sont en lecture gratuite, depuis 2016 : www. e-quick-reads.com
Partager les expériences des entreprises : je sélectionne les entreprises sur leur engagement sincère, si c'est pour raconter du greenwashing, je refuse. 
Editer et écrire des livres pédagogiques sur mesure pour les entreprises, sur leurs actions RSE 
Editer, écrire et raconter l'histoire d'entreprises et de leur RSE 

Si nous devons expliquer concrètement la RSE et ses bénéfices à une personne qui n'y connait rien, on lui dit quoi ?

A titre personnel, l'avantage est de donner du sens à son travail, et de passer de "je fais un travail" à " j'accomplis une œuvre"
Comme la RSE c'est juste anticiper sur les dangers inévitables qui nous arrivent droit dessus, de plus en plus rapidement, il faut transformer ces risques en opportunités. 
Au titre d'entreprise, l'avantage est d'apporter une résilience à l'entreprise. Car ne pas anticiper ces risques met l'entreprise grandement en danger de mort.

Dites-nous franchement, la RSE est-elle un truc de grands groupes et de consultants ?

La version officielle de la RSE ! Oui !!! Et je le clame depuis 2009. Cela me fait plaisir, qu'enfin, cela commence à devenir visible. Car ils compliquent et mentent sur la RSE, ce qui lui donne une mauvaise presse, alors que c'est quelque chose de magnifique. Ils ont créer et créent en permanence des usines à gaz. Pour moi, c'est un crime contre l'humanité, car nous sommes dans l'urgence, nous avons besoin de trouver des solutions tous ensemble. 
Car la vraie RSE est créée par des entreprises (TPE à ETI) dont les dirigeants la pratiquent naturellement. Souvent, ils ignorent même complètement que ce qu'ils font, s'inscrit dans la RSE. 

Comment observez-vous l'adoption de la RSE en entreprise sur les dernières années ?

Il existe plus de 500 définitions de la RSE donc, il n'y en a pas ! Alors, voici la mienne : anticiper sur les enjeux qui nous arrivent droit dessus. 
La RSE d'optionnelle devient obligatoire, notamment par la Taxonomie qui siffle la fin de la récré. 
Les entreprises qui ont pris de l'avance, sont les entreprises de demain. Aider celles qui y sont naturellement engagées, même si elles n'en ont pas conscience, est la seule voie efficace. Car la RSE, c'est de la philosophie pratique, c'est parce qu'on a un système de pensées/valeurs qu'on peut la réussir. C'est le moteur qui donne de l'enthousiasme et du sens à l'effort. 
Celles qui y vont par obligation, ont peu de chances de réussir leur résilience, car elles bricolent. Cela ne sert à rien d'essayer de "convaincre" celles qui n'y croient pas, car cela signifie que cela n'est pas dans leurs valeurs. Elles vont continuer à bricoler et disparaitront.

En France, dans quel pilier de la RSE sommes-nous le plus en retard dans les PME ?

Il y a 4 piliers, qui se traduisent par 4 questions très simples
 1. Comment être rentable et pratiquer une économie "raisonnée" ?
 2. Tout en étant rentable, qu'est ce que je fais pour l'environnement ?
 3. Tout en étant rentable, qu'est ce que je fais pour le social, l'être humain en tant qu'individu ? 
 4. Tout en étant rentable, qu'est ce que j'apporte à la Société, au Bien Commun, à l'Intérêt Général ?
 Nous sommes en retard sur l'addition de ces question. Souvent on fait "ou" sur ces 4 questions, on ne s'oblige par à répondre en additionnant "et".
 Si on veut être efficace, c'est la réponse aux 4 questions. La bonne nouvelle, c'est que ce questionnement est un levier puissant d'innovations de rupture et de différenciation. 

Avez-vous des arguments à donner aux managers qui veulent inciter leur Direction à enclencher une démarche RSE ?

La survie de l'entreprise ; motiver les collaborateurs (qui font très souvent) de la présence ; devenir heureux dans son travail car on a enfin un vrai sens à son action.
Si l'entreprise ne comprend pas, changez d'entreprise très vite, car votre emploi est menacé. 

Auriez-vous des exemples d'actions impactantes qui ont été mises en place dans une PME ?

Beaucoup ! Car c'est magique. Partout dans le monde, des entreprises créent le monde de demain, des nouveaux produits, de nouvelles pratiques, et tracent même les nouveaux modèles pour leur profession.
Un exemple magistral : Noremat, fabricant de machines pour entretenir les accotements routiers, 325 collaborateurs à Nancy, 69 millions € en 2021. En croissance et bénéficiaire depuis 40 ans, représente 60% du marché français. 
Ils pratiquent depuis 40 ans, la responsabilité étendue. D'habitude, sauf pour les obligations légales, on se désintéresse de son produit une fois vendu. Eux, c'est l'inverse. Ils observent comment sont utilisés leurs produits, ils pratiquent l'écoute active de leurs clients, en étant le seul constructeur à vendre et entretenir leur matériel en direct. 

Au niveau économique depuis 1981, leur objectif est de réussir la promesse de leur nom : NOuvelle Rentabilité du MATériel. C'est à dire optimiser la durée de vie des produits et pratiquer la pérennité programmée, réduire non seulement les couts d'utilisation et d'entretien des machines, mais aussi le cout d'entretien des accotements routiers pour les collectivités.

Au niveau de l'environnement depuis 1996, ils observent les enjeux environnementaux de l'entretien des 2.200.000 km d'accotements en France : ils prônent la récolte des déchets végétaux pour valorisation ; ils ont inventé le "fauchage raisonné" en 2008. Depuis 15 ans, ils ont des programmes d'investissement dans la recherche scientifique pour étudier des sujets d'intérêt général comme la méthanisation des déchets/biomasses des accotements, ou trouver des solutions à l'éradication des plantes invasives et protéger la biodiversité.
Depuis 2010, ils ont expérimenté l'économie circulaire, par le recyclage des matériels, et ont créé une entreprise MANEKO qui recycle les anciennes machines pour créer de nouvelles machines ou récupérer des pièces et les rénover pour les remettre dans le circuit.
Depuis 2015, conscients que faucher les routes devient très complexe, ils ont essayé d'aider les chauffeurs. Ils ont créé une application GPS et une entreprise ACCOPILOT qui permet à chaque chauffeur de créer sa propre carte sur mesure en indiquant les endroits où se trouvent les obstacles, les plantes invasives à éradiquer, la biodiversité à protéger, etc... en un mot, cela sert à pratiquer le "fauchage en damier".

Au niveau social depuis 1981, ils pratiquent le partenariat de long terme, par le partage de valeurs avec d'autres constructeurs, ou des fournisseurs auxquels ils sont fidèles pour certains depuis 40 ans.
Par leurs actions, leurs clients économisent de plus en plus d'argent dans l'utilisation des machines, ce qui permet de créer ou maintenir des emplois en zone rurale.
Il y a 20 ans, ils se sont rendu compte qu'il y avait 10 000 personnes en France qui entretiennent les accotements, et qu'ils n'avaient pas de nom de profession. Alors, ils ont créé un nom pour que cette profession existe et soit reconnue : les accoroutistes. 
 
 Au niveau sociétal depuis 1996
 Ils ont engagé toute la profession à transformer les déchets en ressources et à participer à développer des nouvelles filières sur les territoires : leur objectif est de participer à la résilience des territoires. Ils emmènent la profession des accoroutistes plus loin. Ils tracent les nouvelles pratiques de leur profession en tant que constructeur. 
 
Et beaucoup beaucoup beaucoup d'autre choses. 
Ah, et cela va vous faire sourire : ils n'ont jamais fait de rapport RSE, et ne savaient pas qu'ils étaient ultra efficaces en RSE. Ils ont accompli tout cela, car cela leur paraissait juste "normal".

Un petit mot pour terminer ?

Nous avons la chance incroyable de participer à créer une nouvelle société plus humaine et plus belle. 
Cette nouvelle civilisation pour moi porte 5 valeurs que nous partageons :
 1. La responsabilité
 2. Des liens plus que des biens
 3. De la justesse et de l'équité
 4. Des innovations profitables à tous et à la nature
 5. Un partage de conscience et de spiritualité